Selon son secrétaire perpétuel, l’Académie Française n’a pas validé la
réforme de l’orthographe que le ministère de l’éducation voulait
appliquer à la rentrée
L’Académie française n’est pas à l’origine et n’a pas validé la
réforme de l’orthographe qui doit être prochainement généralisée à
l’école. La prestigieuse institution aura pris son temps mais la mise au
point est claire.
Dans un entretien au Figaro du samedi
13 février, Hélène Carrère d’Encausse, entend mettre un terme à la
polémique qui a éclaté il y a dix jours avec les révélations dans la
presse des projets du ministère de l’éducation pour la prochaine rentrée
scolaire.
« Je n’ai pas compris les raisons qui expliquent
l’exhumation d’une réforme de l’orthographe élaborée il y a un quart de
siècle et où l’Académie française n’a eu aucune part, à l’inverse de ce
que l’on a voulu faire croire », indique Hélène Carrère d’Encausse
> À relire : explication en quatre points de cette réforme
Le
ministère de l’éducation national s’est appuyé sur une réforme du
« conseil supérieur de la langue française » adoptée en 1990 pour
inciter les éditeurs scolaires et les enseignants à adopter de nouvelles
simplifications orthographiques.
Un oignon qui perd son « i »
Il s’agit notamment d’alléger l'usage des traits d'union et des accents circonflexes ou de réécrire certains mots comme nénuphar qui devient nénufar et oignon qui
devient ognon. La généralisation prochaine de cette réforme a suscité
une vive polémique, notamment dans les médias et les réseaux sociaux.
Pour
se défendre, le ministère a depuis rappelé qu’un bulletin officiel de
2008, donc publié sous la droite, indique clairement que « pour
l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des
rectifications de l’orthographe proposées par le rapport du Conseil
supérieur de la langue française approuvées par l’Académie française. »
Une
explication qui ne satisfait pas Hélène Carrère d’Encausse.
L’historienne précise qu'en ce qui concerne la réforme de 1990,
l'Académie, consultée, s'était prononcée sur des « principes
généraux - un nombre limité de rectifications d'incohérences ou
d'anomalies graphiques - mais non sur le projet lui-même dont le texte
était en cours d'élaboration ».
Ce n’est qu’ensuite, lorsque
le rapport du Conseil supérieur a été publié au journal officiel, que
les académiciens ont pu en prendre connaissance et en débattre. « Et le débat fut d’une grande vivacité. L’Académie dans son ensemble a marqué son désaccord avec ce texte » assure l’académicienne.
Le système éducatif s’est « écroulé »
« La
position de l'Académie n'a jamais varié sur ce point : une opposition à
toute réforme de l'orthographe mais un accord conditionnel sur un
nombre réduit de simplifications qui ne soient pas imposées par voie
autoritaire et qui soient soumises à l'épreuve du temps », souligne
Mme Carrère d'Encausse. Elle remarque sur ce point que la réforme est
tombée en désuétude. Les Français dans leur pratique ne l’ont pas
cautionnée. « Il est donc absurde de ressortir aujourd’hui cette réforme » conclut-elle.
Mais
le diagnostic porté par l’académicienne sur le système éducatif risque
de relancer le débat. Depuis 1990, le contexte a totalement changé
rappelle-t-elle. « En 2016, nous sommes devant une situation radicalement différente » avec un système éducatif qui « s'est écroulé » au point « qu'un élève sur cinq quitte l'école sans savoir lire » commente-t-elle.
« Le problème n'est donc plus d'offrir des facilités aux élèves, de
conserver ou non l'accent circonflexe, mais de revoir totalement notre
système éducatif ».
Hélène Carrère d’Encausse enfonce le clou. « Je dirais que la tragédie française est une inégalité croissante, née de l’effondrement de notre système éducatif ». Ce dernier « doit être reconstruit en fonction de cet impératif d’égalité ».